Petit (grand) compte-rendu critique de la réunion organisé par la FNAUT/ADTT lundi dernier aux Halles. Un représentant de la SNCF était présent, mais aucun de Fil bleu ou de la mairie, en raison d'un conseil municipal... Après une brève présentation (et critique) du projet de périphérique nord, l'exposé de Jean-François Troin (ancien professeur de géographie à la fac de Tours, qui fut un des premiers supports du tramway dès la toute fin des années 70) porta sur les opportunités offertes en termes de tram-train sur l'étoile tourangelle. Là dessus rien de tellement nouveau, les opportunités sont connues depuis 30 ans, et malgré les alertes( fermetures de Tours-Chinon au début des années 80 puis réouverture, menace sur Loches ...), le réseau tient bon, et une très récente étude de l'Agence Tourangelle d'Urbanisme a mis en exergue les possiblités offertes, sans proposer toutefois ce qui suit.
S'appuyant sur l'exemple de Karlsruhe, J.-F. Troin propose l'interpénétration des réseaux suburbains et urbains, sans rupture de charge en gare de Tours. 7 des 8 branches de l'étoile ferroviaire pourraient être utilisées (la ligne de Poitiers, par Monts, ne pourrait l'être en raison de son trafic trop élevé, du moins avant l'ouverture de la LGVSEA) sans nécessairement une électrification, du matériel bimode comme le Dualis d'Alstom permettant de circuler sans caténaire.
(Les points verts sont les haltes existantes, les rouges des propositions de création/déplacement, certaines ayant été formulées par l'AUT, d'autres n'étant que des pistes de réflexion de ma pomme.)
L'interpénétration proposée par J-F Troin serait permise par trois grands points de raccordements entre voies RFF et voies urbaines :
- Une Bd Winston Churchill entre le T1 et le faisceau de voies vers Langeais/St Antoine du Rocher/Monnaie.
- Une à Joué, ou bien directement avec l'Av. de la République, ou bien au niveau de la gare, en empruntant la rue des Martyrs.
- Une à La Ville-aux-Dames, au niveau de la séparation des voies vers Bléré et Amboise (nécessiterait de prolonger le T2 de SPDC à l'extrêmité est de LVAD).
Concrètement, un tram en provenance de Cormery pourrait rejoindre le réseau urbain à la gare de Joué, effectuer la desserte de toutes les stations du T1, puis obliquer à Charcot sur le T2 jusqu'à LVAD pour poursuivre ensuite son chemin jusqu'à Amboise. De la même manière un tram en provenance de Bléré pourrait effectuer son terminus à Monnaie, ou un de Langeais finir sa course au lycée Vaucanson. Etc, etc, pas mal de possibilités de liaisons étant donc offertes.
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Le plan est bien entendu séduisant sur le papier, mais à mon avis sujet à plusieurs critiques en termes d'applicabilité :
- Concernant la faisabilité des raccordements tout d'abord :
* A Joué, un raccordement court avec l'avenue de la République n'est faisable qu'en détruisant au minimum deux pavillons, et au prix d'une rampe réalisable mais assez raide. La solution de repli par la rue des Martyrs est plus envisageable (on y pensa un temps pour établir le centre de maintenance de la T1) mais nécessite de construire quelques centaines de mètres de ligne. Dans les deux cas, je suis assez circonspect. Je me demande s'il ne serait pas plus pertinent de reconstruire la ligne de Vendée sur environ deux kilomètres, entre les Deux Lions et le raccordement actuel avec la ligne de Bordeaux - en clair, la section deferrée en 1970. Il y aurait ici l'opportunité d'offrir un accès un petit peu plus rapide qu'actuellement que par Pont Cher au centre de Tours, et en même temps de desservir de nouvelles zones de Joué et des Deux Lions grâce à de nouvelles stations. (rien n'interdit d'ailleurs de créer de nouvelles stations à l'ouest de gare de Joué pour achever de tramifier la ligne de Loches). Seul problème, on perd la desserte de l'Heure Tranquille, quand même assez génératrice de trafic.
* A St Pierre, le projet de J.-F. Troin prévoit le raccordement des lignes de Bléré et Amboise entre LVAD et Montlouis, au niveau de la ZAC des Fougerolles. Les trams-trains poursuivraient leur chemin à travers LVAD puis SPDC (via un tracé différent de celui prévu actuellement). Cela me semble être une erreur à double titre. Tout d'abord l'objectif principal des habitants de Bléré, St Martin le Beau, Nazelles, etc, est de rejoindre le centre de Tours, et non de faire du cabotage en première ou deuxième couronne tourangelle : plus profondément on pourra les raccorder, mieux ça sera. Bien sûr, il restera des trains directs qui n'emprunteront pas les voies urbaines, mais tout de même, on ne va pas aller faire visiter LVAD et SPDC à tout ce petit monde. D'autant plus que sans parler de la difficulté technique/financière de la réalisation du raccordement aux Fougerolles, bon ... La Ville aux Dames, c'est 4500 habitants, une population stable, et qui n'ira pas vers des sommets. SPDC, idem, en pire, d'autant plus que le tracé Troin délaisse la Rabâterie pour pouvoir emprunter le Bd des Déportés. Si l'on veut effectivement que les lignes d'Amboise et Bléré aboutissent sur du réseau urbain (ce qui en soit n'est
pas forcément pertinent), il n'y a je pense pas 36 solutions : il faut que ça soit en gare de SPDC, avec le tracé actuellement prévu. Ca demandera des aménagements lourds, des sauts-de-mouton, etc, mais ce sera toujours bien moins cher que de prolonger à LVAD pour une fréquentation douteuse. On pourra même créer une station au Grand Village, demandée depuis un bout de temps.
* Aux Rives du Cher, le projet Troin prévoit de descendre en pente douce du Bd Churchill (qu'il faudra traverser) au faisceau de voies (il y en a quatre à cet endroit). Problème : impossible de faire un saut-de-mouton : un train en provenance de Monnaie par exemple devra cisailler trois voies de circulation pour rejoindre le raccordement au T1. C'est déjà difficile avec le trafic actuel, ça le sera je pense encore moins s'il augmente. Je n'ai ici pas de solution à proposer, excepté un doute sur la nécessité absolue de l'interpénétration que je vais à présent tâcher de développer :
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Ma seconde critique porte davantage sur la reproductibilité du modèle de Karlsruhe, a fortiori avec le cas tourangeau, qui il faut bien le dire est franchement à part sur le territoire français (seul Orléans pouvant se targuer, avec moins de chance, d’une situation analogue).
L’Indre-et-Loire est un département hyper centralisé sur l’agglomération tourangelle ; les géographes n’hésitent pas à parler de désert pour le reste du département (En enlevant Tours Plus, la densité ne serait que de 53 hab/km²… elle est de 95 avec, ce qui est déjà dans la moyenne. Pour rappel la densité moyenne de l’Allemagne, grandes villes comprises donc, est de 230hab/km², et passe à 300 dans le Bade-Wiurtemberg où se situe Karlsruhe.)
L’agglomération tourangelle, c’est grosso modo 300.000 habitants, plus de la moitié des habitants du département. Les sous-préfectures font pâle figure : Amboise compte 13.000 âmes, Chinon 8.200, Loches 6.300. Le long des lignes de chemin de fer, c’est à peu près la même disette. Langeais, 4.000 ; Bléré La Croix, 7.500 ; St Martin le Beau, 2.500, Cormery-Truyes, 3.300 ; Azay-le-Rideau, 3.300 également. Fermons le ban.
A côté de cela, les villes desservies par le réseau tentaculaire de tram-train de Karlsruhe jouent dans une autre catégorie. Pforzheim, 120.000 habitants. Rastatt, 45 ; Bruchsal, 40, Bretten, 28, Eppingen, 20 Heilbronn, à 60 kilomètres, 120.000 également. Bien entendu, à l’échelle de l’agglomération tourangelle, cela signifierait que le réseau urbain desservirait comme terminus Saumur, Vendôme, Loches, Montrichard ou Blois. Pourquoi pas, en soit. Excepté qu’entre toutes les villes allemandes précitées et Karlsruhe, il n’y a pas du vide, mais à chaque arrêt des bourgades d’au minimum quelques milliers d’habitants.
La faible densité n’interdit pas dans le cas de Tours l’interpénétration des lignes urbaines et suburbaines, mais pose la question des priorités : vaut-il mieux mettre l’accent avant tout sur le réseau urbain, où une forte fréquentation est assurée, ou sur le réseau suburbain, où les potentiels de croissance sont supérieurs ? Sachant bien évidemment que dans le cas du réseau urbain l’infrastructure est à construire, et les coûts de mise en œuvre bien supérieurs.
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Là où je ne suis également pas tant d’accord avec Jean-François Troin et Jean-Claude Oesinger, c’est sur la nécessité impérieuse qu’il y a à supprimer la rupture de charge en gare de Tours. La gare de Tours à l’heure actuelle est située à 300m du point névralgique de Tours qu’est la Place Jean Jaurès, accessible en 3mns à pied. Le tramway permettra en 2013 des correspondances quai à quai. Autrement dit, pour un habitant d’Amboise ou de Bléré, ne vaut-il mieux pas arriver en 25 ou 30 mns en gare de Tours en restant sur des voies RFF, plutôt que de bifurquer à SPDC ou pire, LVAD, sur le réseau local et ainsi ne rejoindre gare de Tours qu’en 35 ou 40 minutes ? Sachant que le nombre d’usagers venant d’Amboise ou Bléré ayant pour destination SPDC sera évidemment très faible… et qu’une correspondance avec les T1/T2 en gare de Tours, aussi pénible soit-elle, sera toujours plus rapide que de rester de bout en bout dans un même train ? La question est ouverte.
Même problème par exemple pour les (rares) utilisateurs des trains venant de la vallée de l’Indre. Il faut actuellement compter 12 minutes entre la Douzillère et la Gare de Tours, 7 seulement pour Joué. Un détour par les 2 Lions puis le Sanitas (ou l’av. de Grammont) rallongera le temps de parcours d’environ 10 minutes (un peu moins en reconstruisant la ligne de Vendée). Là aussi, quels sont les désidératas des usagers d’Esvres ou de Ballan, sachant que les correspondances avec le réseau urbain sont facilement réalisables (prolongement du T1 de Joué Jean Monnet à la Liodière, correspondance à Joué Gare et Portalis …)
D’autant plus que toutes les branches du réseau urbain ne seront pas interconnectables avec le réseau urbain, sachant que les liaisons banlieue/banlieue ne pourront pas être systématiques à cause de la position en terminus de la gare de Tours. Ainsi, si une mission Bléré-Monnaie est envisageable, il sera impossible de faire d’une traite Langeais-Esvres, par exemple. De même pour les liaisons banlieue/urbain : Amboise/Trousseau via SPDC sera évidemment possible, mais ce ne sera pas le cas de Monnaie-Joué, de même qu’un St Antoine-du-Rocher – Vaucanson sera difficilement crédible.
Certaines branches du réseau urbain (Vaucanson, SPDC) seront donc bien plus facilement parcourables par des tram-trains que d’autres (Trousseau et Joué), d’où un risque de déséquilibre. Voilà donc ce que donnerait le réseau de Tours en y appliquant à la lettre le modèle de Karlsruhe :
Il va sans dire que certains services seraient partiels : ainsi sur la ligne bleue, sur les 110 ou 120 trajets envisageables, seuls une trentaine seraient prolongés vers Bléré. Ce modèle pourrait être amélioré en prolongeant par exemple les missions rouges vers J Monnet en direction de Cormery par un petit tronçon de voie nouvelle : les oranges n’iraient alors plus qu’à Azay. Problème : on augmenterait encore du même coup les temps de parcours pour les usagers venant de la vallée de l’Indre. On voit aussi très bien sur cette carte le rallongement du trajet pour ceux venant d’Amboise/Bléré. Sur ce plan la présentation de J.-F. Troin était lacunaire : tout le monde sera d’accord sur le papier pour interpénétrer les deux réseaux, mais lorsqu’il s’agit de rentrer dans les détails du nombre d’aller-retour, des fiches horaires, etc …
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Je me demande donc s’il ne serait pas préférable de chercher avant tout à regrouper les dessertes périurbaines dans un seul et même endroit en gare de Tours, proche de la station de tramway, à l’emplacement actuel de l’activité de remisage/nettoyage des rames Corail/Aqualys., quitte à effectuer des travaux lourds pour éviter les cisaillements de circulations. Cela n’empêcherait pas pour autant quelques tram-trains de poursuivre leur chemin sur le réseau urbain, l’interpénétration permettant tout d’abord une économie en matériel et un gain en liaisons possibles.
Ceci dit voilà une tentative « améliorée » de réseau suivant le modèle de Karlsruhe. Notons que je suis très sceptique sur la faisabilité technique du raccordement des Rives du Cher, ça me paraît tout sauf évident… au pire on doit pouvoir caser un saut-de-mouton au Mennton et rejoindre le Bd Churchill dès le RP de St-Sauveur, ce qui ne serait d’ailleurs pas plus mal. De la même manière j’inclus dans mon plan un prolongement de la T2 de Trousseau au Pôle Clinique, en interconnexion avec une ligne de tram-train.
Pour les dessertes périurbaines, on retient le cadencement : passage aux 30mns vers Amboise/Bléré, à l’heure vers St Antoine du Rocher, etc … ce qui serait déjà très (trop ?) confortable. On le constate ceci dit facilement sur la carte le déséquilibre précité : trop de trams vers SPDC, pas assez vers Trousseau : or rien avec un réseau urbain.
La création de lignes de tram-train est également subordonnée à la possibilité de création d’installations terminales côté suburbains : c’est ce qui existe ainsi à Bléré depuis quelques mois. Or si la création de telles installations – nécessaire pour ne pas gêner les circulations rapides ou les fret – est souvent possible, elle n’est pas nécessairement aisée… de même, où arrêter le tram-train ? Si l’on suit le modèle de Karlsruhe, pourquoi ne pas pousser la ligne d’Amboise jusqu’à Blois ? Celle de Ballan/Azay jusqu’à Druye, sachant que dans tous les cas il faudra continuer à faire circuler le même nombre de trains vers Chinon ? Voilà en tout cas un essai de réseau maillé de combiné tram/tram-train. Comme vous pouvez le constater, rien à faire, trop de rames vers SPDC, pas assez vers Trousseau. Si quelqu'un a une solution à proposer, je suis preneur. Les chiffres dans les cartouches représentent le nombre d'aller-retours par jour.
Etc, etc … Enfin bref, tout ça pour dire que j’ai trouvé que la réunion de l’ADTT pêchait quelque peu par manque de précision, et ressemblait parfois plus, notamment dans le débat, à un concours de poncifs : tout le monde a entendu parler de Karlsruhe, en tout cas … Pour ce qui est du tram-train, la question est donc on ne peut plus piégeuse : faut-il l’accompagner d’une nouvelle infrastructure ? Faut-il absolument supprimer la rupture de charge ? Doit-on tramifier les lignes de la vallée de l’Indre ou de Monnaie ?
A titre personnel, je ferai davantage porter la priorité sur le réseau urbain, où il existe un potentiel réel pour trois lignes fiables à l’horizon 2030. Cela n’exclut aucunement un développement du réseau suburbain, qu’il s’agisse de la création de nouvelles haltes, de l’achèvement du renouvellement du matériel roulant, ou surtout du RVB : c’est regrettable, mais il faudra sans doute prendre le relais de RFF pour rénover de nombreuses voies : il est aujourd’hui inadmissible que Tours-Loches soit près de deux fois plus rapide par car que par train. La réfection des voies ferrées sera dans tous les cas un chantier auquel il faudra s’atteler avant la suppression de la rupture de charge.
Merci à ceux qui auront lu jusqu’au bout …